lundi 20 février 2012

Découvrez le Qigong des 5 animaux (Wu Qin Xi)!

Origines et évolutions
Le terme Wu Qin Xi signifie « Jeu des cinq animaux ». Les origines de cette pratique remontent à l’antiquité de la Chine. Déjà, dans les premiers registres d’histoire on mentionne l’utilisation de pratique gymnique dans le but de traiter les maladies. C’est le cas dans Les Anales des printemps et automnes de Lü Buwei, ministre de Qin au IIIe siècle avant notre ère. On y relate la création de techniques corporelles afin de remédier aux problèmes de santé qui courraient à cette l’époque :

« Jadis, au début du règne de Tao Tang[1], le yin était en excès, stagnations et accumulations abondaient, les voies d'eau bouchées et obstruées s'écoulaient difficilement depuis leur source, c'est pourquoi le souffle des individus était ramassé et stagnant, les tendons et les os contractés s'étiraient mal. On créa donc des danses (wu) pour conduire harmonieusement ( lidao 利导 ) les souffles»

Cette mention de « danse » exécutée dans le but de « conduire harmonieusement les souffles »  relate les premiers balbutiements du Qigong, autrefois nommé Daoyin 导引, terme qui signifie littéralement « conduire et guider » (les énergies). Or, ces formes d’exercices combinant gymnastique et respiration étaient souvent inspirées du mouvement des animaux. À cet effet, on retrouve d’autres mentions de dans les textes anciens. Par exemple, dans le Zhuangzi, texte datant du sixième siècle avant notre ère, il est écrit :
« Expirer les sons chui et xu, cracher l’ancien souffle et absorber le nouveau, imiter l’ours se suspendant à l’arbre ou l’oiseau prenant son envol, tel est l’idéal de ceux qui veulent entretenir leur corps par le daoyin et sont de la même veine que Pengzu, qui vécut plus de huit cents ans. »  

Ce passage du Zhuangzi est la première mention de mouvements d’animaux effectués entant que pratique de daoyin dans le but d’entretenir la santé.

Un autre document plus tardif, celui de la charte du Daoyin (daoyintu), découvert en 1973 dans le tombeau no.3 de Mawangdui dans le Hunan, permet d’attester que des exercices gymniques inspirés de mouvement animaliers étaient largement pratiqué dans l’antiquité chinoise dans le but de préserver la santé. Effectivement, sur ce document daté de 246 à 177 avant notre ère, on retrouve plus d’une quarantaine d’illustrations de postures à côté desquelles ce trouve une inscription. Ces dernières font référence soit à l'indication thérapeutique du mouvement (troubles du système locomoteur et du système digestif essentiellement, maladie génitale, surdité, douleurs du genou, maladie épidémique), soit à la ressemblance de la posture avec un animal: le loup, l'ours, le singe, la grue, le dragon ou le faucon.


Les 5 animaux de Huatuo
On attribue la création du Wu Qin Xi à Huatuo, célèbre médecin de la dynastie des Han. Dans les Chroniques des trois royaumes de Chen Shou, dans la biographie de Huatuo on mentionne : « J’ai une technique qui s’appelle le Wu Qin Xi ; le premier s’appelle le tigre, le deuxième le cerf, le troisième l'ours, le quatrième le singe, et le cinquième l’oiseau ; elle sert à chasser les maladies et elle est bénéfique pour les membres inférieurs ». Un passage similaire se retrouve également dans le Livre des Han postérieur attribué à Fan Ye de les Dynasties du Sud et du Nord (420-589). Malheureusement, ces mentions du Jeu des cinq animaux n’étaient pas accompagnées de description des mouvements.

Il faudra attendre les Dynastie du Sud et du Nord (420-589), dans un ouvrage écrit par le célèbre médecin Tao Hongjing intitulé « Registre pour entretenir la santé et prolonger la vie », pour retrouver une description plus détaillés des exercices du Jeu des cinq animaux. Comme il n’y a que 300 ans entre la fin de l’époque de Hua Tuo (25-220) et celle de Tao Hongjing, on penser qu’il s’agit de la version la plus proche de l’origine.    

On retrouve des descriptions détaillées des mouvements du Jeu des cinq animaux accompagnés d’illustrations dans des écris pour tardifs, notamment ceux de Zhou Lüjing de la dynastie des Ming (1368-1644), intitulé La Moelle du Phénix Rouge », le Livre de l’immortalité de Cao Wuji, de la dynastie des Qing (1644-1911) et les Illustration de la méthode des cinq animaux, de Xi Xifen, de la même dynastie.  Les descriptions que l’on retrouve dans ces ouvrages sont toutes assez différentes de celles présentées dans l’ouvrage de Tao Hongjing, en plus de divergences observables dans les mouvements, l’ordre de l’enchainement des différents animaux varie également d’une version à l’autre. Cependant, ces textes décrivent les mouvements avec précisions, en plus de donner des explications sur l’état d’esprit propre à la pratique et les principes de la circulation du Qi et du sang. C’est documents constituent donc un héritage de grande valeur et une source d’information précieuse pour tous ceux désirant approfondir leur compréhension du Wu Qin Xi.
Illustration des cinq animaux dans La Moelle du Phénix Rouge de Zhou Lüjing.

À travers les temps, il s’est développé plusieurs versions différentes du Wu Qin Xi, chacune de ces versions possèdent leurs caractéristiques et leurs styles propres. Dans l’ensemble, ces versions consistent toutes en des techniques de Daoyin créer à la base des mêmes mouvements des 5 animaux, auxquels ont ajouté des éléments issues de l’expérimentations personnelles des auteurs, pratiquée dans le but d’exercer les tendons et les os, de faire circuler le Qi et le sang, prévenir et traiter les maladies, renforcer le corps et prolonger la vie. Parmi ces versions, on peut identifier deux grandes catégories. La première, que l’on nomme une pratique de style externe, met l’emphase sur les mouvements des membres et le renforcement du corps, alors que la deuxième, de type interne, met davantage l’accent sur l’imitation de l’état d’esprit des animaux, le travail mental et la circulation de l’énergie interne. D’autres variations encore, mettent l’emphase sur des pratiques « dures », avec des techniques d’automassages pour la santé, des techniques martiales comme la boxe des cinq animaux, etc. Finalement, d’autres pratiques composées de techniques « souples », mettront l’emphase sur l’aspect esthétique des mouvements, l’élégance et la vigueur, ce que l’on appelle la danse des cinq animaux. 

Les 5 animaux du Qigong pour la santé – Jianshen Qigong Wu Qin Xi
La version du Wu Qin Xi mise de l’avant par l’Association Chinoise du Qigong pour la Santé (jianshen qigong 健身气功) se base sur l’ordre établi dans la biographie de Hua Tuo que l’on retrouve dans Les chroniques des trois royaumes. Ses mouvements sont simples et faciles à apprendre. Le nombre des mouvements est basé sur la description faite par Tao Hongjing dans laquelle on retrouve un total de dix mouvements, soit deux mouvements pour chaque animal. De plus, on y a aussi rajouté au commencement et à la fin, l’ouverture composée de la régularisation de la respiration et la fermeture qui consiste à « retourner le Qi à la source ». Dans son ensemble, cette routine forme un tout et évoque bien l’unité du corps, de l’esprit et du Qi qui forme le cœur de cette pratique. Les mouvements sont accessibles à un public de tous âges. Le matériel d’enseignement récupère la quintessence des documents anciens auxquels s’ajoutent certains compléments tirés concepts récents d’anatomie et de physiologie. L’élaboration des mouvements a été fait en se basant sur des caractéristiques tels que l’esthétisme, les connaissances issues de la kinésiologie et de la physiologie, en plus de d’intégrer les principes de la médecine traditionnelle chinoise et de l’acupuncture. Elle s’inspire du comportement et de l’esprit des animaux, auxquels on associe à la théorie chinoise traditionnelle du yin et du yang, des cinq agents, des organes et des méridiens. Ainsi, chaque mouvement comporte des bienfaits particuliers et des modes d’actions qui leurs sont propres.     


Les mouvements de 5 animaux sont conçus pour rappeler la force et le courage du tigre, la sérénité et le calme du cerf, la stabilité et l’enracinement de l’ours, la souplesse et l’agilité du singe, l’élégance et la légèreté de l’oiseau. Tous les mouvements sont imprégnés des principes selon lesquels le corps et l’esprit sont unifié, l’esprit et le Qi correspondent mutuellement et l’interne et l’externe forme une unité. 



Les 5 animaux, c’est aussi une pratique qui nous amène à délaisser le sérieux du quotidien et renouer avec l’esprit de la nature. Tout cela font du Qigong des 5 animaux une pratique intéressante, agréable et ô combien bénéfique!

Bonne découverte!
Olivier Meunier

(1) Empereur légendaire de l’époque dite des Cinq Empereurs, qui, réputé pour sa vertu, aurait régné entre les 24e et 23e s. A.C

dimanche 19 février 2012

« Goute le sans goût », Dao De Jing

 Wei wu wei  味无味  -  "Goûte le sans goût". Réflexions sur le Daodejing, classique taoïste.

Le livre de la Voie et de la vertu (Daodejing道德经) est l’œuvre centrale du corpus taoïste. L’œuvre, probablement compilée autour du 4e et 3e siècle avant notre ère est porteuse d’une sagesse traditionnelle qui garde sa valeur dans tous les siècles. Dans cet article, je vous propose de découvrir un peu de  la richesse de ce classique tout en vous invitant à réfléchir sur les liens possibles avec notre quotidien de la vie moderne.
« Pratique le non-agir, affaire-toi à ne rien faire, goute le sans goût ». Voilà le premier verset du chapitre 63 du Livre de la voie et de la vertu ( Daodejing ). Qu’est-ce que l’on entend au juste par « goûter le sans goût »? Qu’apercevez-vous en fermant les yeux? Rien, me direz-vous. Pourtant ce « rien » correspond bel et bien à quelque chose. Tout comme le silence, que l’on perçoit à l’oreille et qui prend une place déterminante dans l’harmonisation d’une symphonie, l’absence d’image concrète appartient également au domaine visuel, de même que l’insipide fait aussi partie du monde des saveurs.  « Goûter le sans goût » revêt alors un sens très profond, qui est celui de nous suggérer d’écouter le silence, c’est-à-dire, de valoriser et de contempler un état libre des stimulations sensorielles, ce qui renvoie également à la pratique de la méditation.
Il est toujours étonnant de constater à quel point les adages du Daodejing, qui remontent à l’antiquité chinoise, s’accordent tout à fait à notre réalité d’aujourd’hui.  Vous avez sûrement remarqué que de nos jours les stimulis sont constants et omniprésents. Notre vue, notre ouïe et notre goût sont constamment sollicités. Les commerçants se livre une véritable bataille afin d’attirer notre attention sur leur produit. Il en découle toujours plus de bruit, plus d’images et plus de goût (soulignons par exemple l’ajout excessif de sel, de sucre et d’agents chimiques  pour rehausser la saveur des aliments). Les publicités sont toujours plus envahissantes. Dans les médias, bien sûr, mais aussi sur la route, dans les transports en commun ou même dans les toilettes publiques.
Pourtant, peu d’entre-nous sont conscients des méfaits que peut entraîner cette surabondance de stimulation. Les maîtres taoïstes de l’antiquité avaient déjà réalisé qu’il ne fallait pas laisser toute la place aux simulations extérieures car celles-ci mènent à la dispersion des énergies vitales. Selon la physiologie chinoise, les organes de sens sont comparés à des orifices desquels s’échappe l’énergie du corps. Selon les penseurs de l’époque, lorsque c’est l’excitation des sens qui prend le dessus, cela mène à l’exténuation des souffles de vie qi. C’est sans doute pourquoi on mentionne à du reprises, aux chapitres 52 et 56 : « Bloque toute ouverture, ferme toute porte ». On parle ici des organes de sens. Le caractère dui rendu par « ouvertures » est composé du caractère de la bouche au dessus duquel émane quelque chose, soit les deux traits, qui expriment l’idée de division ou de dissipation.
Ainsi les sens mènent-il à l’exténuation des souffles, mais Il ne s’agit pas de dénigrer catégoriquement toutes sensations physiques. Goûter le sans goût nous propose de redonner au silence la place qu’il mérite, comme pour assurer l’équilibre entre activité et repos, yin et yang. Car se concentrer sur le sans goût, sur le vide, c’est aussi stopper le flux mental, réduire l’activité cérébrale un instant afin de favoriser le repos et la reconstruction des énergies du corps.
Dans le même ordre d’idée, selon les sages taoïstes, les sens provoque des dichotomies dans la relation corps-esprit. En effet, si l’esprit est constamment sollicité vers l’extérieur, il se détache du corps et se disperse dans le multiple. Dans l’optique taoïste, c’est ce qui perturbe le fragile équilibre entre l’interne et l’externe et brise le continuum que constituent homme et nature. C’est la méditation, par laquelle on uni ses énergies avec celle du cosmos, qui permet une perception globale et intégrante de l’être et de la nature, loin des divisions qu’opèrent les sens. 
Il est vrai que l’abondance de stimulations semble parfois nous faire perdre le contact avec le courant naturel des choses ainsi qu’avec soi-même. D’ailleurs, l’excitation ( du latin excitare « faire sortir » ou « appeler hors de ») est ce qui nous projette hors de soi. Ceci expliquerait peut-être pourquoi chez certaines personnes, l’arrêt d’une dépendance en amène une autre. C’est que les stimulations sensorielles nous permettent d’occuper notre attention, de diriger l’esprit ailleurs que sur soi-même. Notez qu’on utilise régulièrement l’expression « manger ses émotions », comme quoi la stimulation (ici le goût) permet de détourner l’attention du monde intérieur. Cependant, oublier un problème ne signifie pas qu’il n’existe plus et celui-ci nous rattrapera inévitablement un jour ou l‘autre, et ce, probablement dans des proportions plus dramatiques. Cela est vrai au niveau personnel et individuel mais ce l’est aussi au niveau social et humanitaire.
Le fait est qu’aujourd’hui c’est l’extérieur qui domine et le bombardement constant de stimuli exerce des influences consciente ou inconsciente sur notre façon d’agir et de consommer. On est à ce point surstimulé qu’on en vient à perdre le contact avec soi-même, comme emporté par le flux constant d’informations et de sensations. On ressent des besoins qui n’existent pas, des désirs qui ne sont plus les nôtres et les problèmes sociaux et environnementaux que l’on connaît aujourd’hui ne sont certainement pas étrangers à tout cela. Nous n’avons qu’à penser au phénomène de la surconsommation (qui a des conséquences tragiques sur notre environnement) ou à celui de la mauvaise alimentation (responsables des épidémies d’obésité et de diabète, qui soit dit en passant frappent à un âge de plus en plus jeune).
C’est précisément là que « gouter le sans goût » prend toute sa signification. Le qigong aussi appelé neigong (« travail intérieur ») nous amène à se garder des stimulations extérieures pour se concentrer à l’interne. Par ce processus, on arrive à s’enraciner dans sa nature profonde, à ressentir nos besoins réels et de juger de manière plus adéquate et plus intuitive de ce qui est bon pour nous et de ce qui ne l’est pas. Par la persévérance, on vient à développer une capacité de détachement, une sorte d’indépendance du corps et de l’esprit face aux stimulations externes. La sensation d’être en contact avec soi-même, en maîtrise de sa santé psychophysique, et tout le bien-être qui en découle, c’est là un plaisir beaucoup plus riche et durable que ce que nous apportent les biens matériels. Décidément, à une époque où la remise en question de notre rapport avec l’environnement est devenue une chose inévitable, voir vitale pour les générations futures, nous ne pouvons qu’espérer que plus de gens renoue avec les sagesses traditionnelles et réintègre à leur vie le principe de « goûter le sans-goût ».

Olivier Meunier

Découvrez le Taiji Quan (Tai-Chi)

Récemment, plusieurs recherches dans le domaine de la santé ont permis de démontrer les nombreux bienfaits de la pratique du Tai-Chi. Notamment, en novembre 2010 une étude Américaine menée auprès de 354 patients a démontré qu’une pratique régulière pouvait diminuer de manière significative les douleurs et les raideurs articulaires chez les personnes atteintes d’arthrite, en plus de réduire les états de fatigue, instaurer un meilleur sens de l’équilibre et accroître le bien-être de façon générale. Comment expliquer les bienfaits d’une telle pratique?

Le Tai-Chi est un art martial fondé sur la philosophie traditionnelle chinoise selon laquelle le principe d’un corps et d’un esprit en santé repose sur deux principes : l’équilibre et la libre circulation de l’énergie. Ainsi, les mouvements du Tai-Chi sont-ils souples, fluides, circulaires et harmonieux. Tout le corps se meut à travers des déplacements multidirectionnels lents ou rapides tout en se maintenant bien centré sur son axe.

Puisque le Tai-Chi respecte la physiologie naturelle du corps, il n’exerce aucun choc répété sur les articulations, ni de contractions musculaires intenses susceptibles de causer des raideurs ou des tensions. Les articulations, tendons, ligaments et muscles sont travaillés doucement et profondément, favorisant un relâchement et un assouplissement des différents tissus corporels, ainsi que la libre circulation du sang, de l’énergie et des liquides organiques. Il en découle conséquemment une meilleure nutrition, entretien et lubrification des cartilages d’où la prévention des douleurs articulaires et autres problèmes de santé. Au-delà des mouvements, il se dégage de la pratique du Tai-Chi un état d’esprit calme et attentif, garant de paix intérieure si essentielle au bien-être global.

Traditionnellement, la pratique du Tai-Chi est accompagnée d’un profond travail énergétique intérieur appelé neigong. Les exercices liés au neigong sont essentiels pour approfondir la pratique et en augmenter les bienfaits. Malheureusement, ceux-ci sont souvent oubliés et rarement enseignées dans les pratiques occidentales. Ainsi, avant de choisir un enseignant, renseignez-vous sur son approche et son expérience afin de bénéficier pleinement de la pratique du Tai-Chi.